La robe de chambre ou déshabillé ou négligé à travers les âges. Afin d’illustrer la création d’un déshabillé, voici un petit tour culturel des origines de ce vêtement.
Depuis toujours, l’homme a conçu de nombreux vêtements afin de se protéger du froid. Ils prenaient le plus souvent une forme de robe. Conception la plus simple et se revêtant facilement.
On retrouvait ce type de manteau d’intérieur assez souvent car traverser les couloirs froids vêtu d’une simple chemise (sous vêtement de jour comme de nuit) n’était pas la meilleure des initiatives.
De plus, recevoir des convives en une tenue aussi légère n’était pas convenable.
Est-ce pour cela qu’encore actuellement se promener en pyjama devant des invités a quelque chose de gênant ? A vous de le dire.
Au début de sa création, robe de chambre, déshabillé et négligé font référence à un même type de vêtement. Ce n’est qu’à la seconde moitié du 19ème siècle que se fera le distinguo. De plus, le mot négligé est la traduction du mot anglais du vêtement déshabillé, de quoi faciliter les choses…
Ce vêtement commence à prendre de l’importance en terme de mode vers la fin du 17ème et début du 18ème siècle. En effet, la découverte de l’orient, des Indes, de leur culture et tradition embrase les esprits.
Cela se retrouve avec l’apparition du Banyan et du kimono en vêtement d’intérieur.
De plus, le vêtement d’intérieur représente un certain luxe. La possibilité de porter du beau, même chez soi. Et surtout, d’avoir le temps de le porter et de le montrer.
Cela devient l’apanage de la classe bourgeoise qui commence à pointer le bout de son nez en ce siècle.
Les étoffes sont le plus souvent en soie, lin et coton. Matière pour la plupart d’origine exotique, soit importé tel quel déjà sous format de tissu, soit dont la fabrication de la matière première a été importé (soierie par exemple).
Nous pouvons retrouver des damassés, et des velours.
Cet orientalisme et le port de ces robes de chambre pour des questions de mode s’empare doucement du vestiaire des femmes.
Voici ci-contre un Banyan de 1750. Nous retrouvons la forme globale du kimono avec le respect néanmoins des silhouettes des femmes de cet époque : les pinces incurvées au dos, les plis, la jupe ample, la fermeture par des agrafes (très important pour la suite).
Dans la seconde moitié du 18ème siècle, apparaît également les appartements particuliers, les boudoirs. Ces petites pièces intimes dans lesquelles il est bon ton de s’adonner à des occupations intellectuelles et de recevoir ses proches amis.
Banyan, soie et lin en damassé, design par Garthwait et Anna Maria ; Grande Bretagne, Victoria and Albert Museum.
Les artistes également s’adonne à la représentation de l’intime. Mais là n’est qu’une illusion, nous choisissons comment nous représenter.
Il s’agit d’une véritable mise en scène.
« Cette toilette n’est qu’un rôle qui favorise le développement de mille attraits cachés et non encore aperçus. Un peignoir qui se dérange, une jambe demi-nue qu’on laisse entrevoir, une mule légère qui échappe du pied mignon qu’elle renferme à peine, un déshabillé voluptueux où la taille paraît plus riche et plus élégante, donnent mille instants flatteurs à la vanité des femmes. »
Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, « Toilette », 1783
En effet, le parfum de la séduction lié au déshabillé commence à se faire sentir. Les femmes ont la possibilité de se faire représenté de façon séduisante car ce n’est pas vraiment elles, soit elle sont sultane, soit elles sont déesses (début 19ème).
Ce « sexy » subtile est obtenu par le fait que l’on voit maintenant les attaches des étoffes auparavant savamment cachées. Elles sont maintenant de couleur contrastée, sur un linge presque transparent, à peine nouées. Un simple mouvement pourrait tout défaire et révéler le corps de cette charmante dame.
Portrait d’une jeune femme comme une vierge vestale, François Hubert Drouais, 1767, Met Museum
Portrait of a Lady as a vestal virgin, Angelica Kauffman, 1780, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid
Elisabeth Vigée Le Brun ; Julie Le Brun en Flora ; 1799. Russie.
Les hommes ne sont pas en reste, jusqu’au début du 19ème siècle, la robe de chambre est la symbolique des intellectuels, des penseurs et des philosophes.
Il est alors courant de se faire tirer le portrait dans son cabinet. Incarnation d’un grand penseur dans son temple de la réflexion.
« Pourquoi ne l’avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j’étais fait à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner ; j’étais pittoresque et beau. L’autre, raide, empesée, me mannequine. […] Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s’offrait à l’essuyer. L’encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l’écrivain, l’homme qui travaille. »
Denis Diderot, Regrets sur ma vieille robe de chambre (ou Avis à ceux qui ont plus de goût que de fortune), 1772
Au début du siècle (19ème) la robe de chambre perd un peu de son attrait. Elle devient synonyme d’oisiveté, il n’est donc point de bon goût de se faire représenter la portant, ni de la porter de façon trop ostentatoire.
Le négligé est quand à lui un vêtement que l’on peut porter de façon occasionnel pour prendre le thé, ou sortir faire quelque courses. Il ressemble davantage à un manteau qu’à un accessoire attribué au domaine de la lingerie.
On retrouve la silhouette en rigueur par l’allure des déshabillés ci-dessous.
Le terme négligé restera aux anciennes robes de thé ou de réception, la robe de chambre couvrant directement la lingerie prenant plutôt le nom de déshabillé.
Celle-ci est donc cantonné au domaine de l’intime, de la maison. On ne la montre qu’a ses proches amis, cela reste tout de même plus décent que la chemise.
Déshabillé coton, 1870 Met Museum
Déshabillé soie, France, 1880, Met Museum
Déshabillé soie et coton, 1900, Europe, Met Museum
Déshabillé crêpe et dentelle, 1875-1905, Met Museum.
Lilian Bond 1930
Deshabillé de dentelle sur Elaine Stewart, 1950-60.
Déshabillé à plumetis sur Shirley Ross,1930.
Nous arrivons doucement au début du 20ème siècle. Déjà, les déshabillés prennent l’aspect petit à petit des pièces de lingerie que nous connaissons aujourd’hui. C’est durant ce siècle que cet article revêt davantage son parfum de séduction.
1920 retour de la silhouette longiligne avec de la légèreté et de la transparence (tiens donc, cela ne vous rappel rien ?).
1930, démocratisation du cinéma, actrice hollywoodienne et surtout les prémices de l’émancipation des femmes.
De nombreuses actrices se représentent en déshabillé que ce soit à l’écran ou en photo.
C’est l’ère des « vamps » ces terribles femmes fatales qui détournent l’homme du droit chemin. Icônes d’une sexualité libérée et dévorante, elles assoient la renommée du déshabillée langoureux, juste révélateur, invitation à la débauche.
Il y a quelques discussions sur les scénarios et images de l’époque autour d’un phénomène de réaction de la société patriarcale face à une possible perte de sa domination (et oui déjà !).
La robe de chambre chez les hommes devient à nouveau un accessoire associé au luxe, au pouvoir viril. Les nombreuses scènes représentant James Bond ou de machiavéliques vilains en robe de chambre à participé à cette nouvelle image.
Encore aujourd’hui, certains artiste ou personnes aisées reçoivent de potentiels collaborateurs en robe de chambre.
Est-ce une volonté d’afficher leur aisance, qu’eux ont une puissance suffisamment établie pour recevoir les gens dans une telle tenue ? Je vous laisse la réflexione satin, gaze et velours.
Des déshabillés assimilables à des robes de chambre font partis également du vestiaire féminin.
Carole Lombard, 1930-40
Grace Kelly, Fenêtre sur court,1953, Sanity Fair
Rita Hayworth, Peter Stackpole, 1940
Le déshabillé long, transparent, aux bordures ornées est devenu symbole de sex appeal.
Ce type de lingerie est d’ailleurs utilisé par Maggie (Elizabeth Taylor), dans La Chatte sur un toit brûlant (de Richard Brooks) dans l’espoir de sauver son couple et reconquérir son mari. Cela l’érigera au panthéon des sex-symbol.
De là dérive la nuisette, ou le Babydoll, la version courte du déshabillé.
Je vous laisserai regarder sur internet les trésors d’imagination et les photos des ces créations par vous-mêmes, car de nombreuses images sont encore sous copyright.
Et le peignoir dans tout ça ?
Le peignoir était longtemps assimilé à la robe de chambre. Même son nom en est dérivé, le vêtement dans lequel on se peigne.
La différence de nom est venu de la différence d’utilisation à partir du moment où le tissus éponge fut utilisé. Le peignoir est ainsi devenu la sortie de bain.
Tant de noms différents pour désigner les chose, c’est à s’y perdre.
Sources :
•Throughout History, Decadent and Delightful : A history of dressing gowns (2019), par SHEON.
•Confinement élégant : mode de l’intimité et négligé au 18ème siècle (2020) par Margaux GRANIER.
•Le goût pour le négligé dans le portrait français du 18ème siècle (2016) par Elise URBAIN.
•Le déshabillé en 4 dates (2013) par Pauline NGO-NGOK.