J'avais envie de créer une robe pour cette amie depuis très longtemps. En 2021 j'avais déjà ajusté une robe pour elle. Mais il m'en restait un goût d'inachevé. En effet, elle l'avait acheté en ligne et je me suis contenter de l'ajuster à sa taille.
NB : le son des vidéos n'a pas été travaillé, vous avez donc droit à la couturière naturelle dans son atelier.
En 2023, elle m'annonce qu'elle se marie, l'occasion rêvée pour lui confectionner une robe digne d'une princesse et à l'échelle de l'estime que j'ai pour cette personne.
Voici déjà sa robe de PACSE, la robe de mariée sera donc tout sauf simple.
Suite à quelque petits essayages, nous avons déterminé la forme qui lui allait (et lui plaisait surtout) exit la robe sirène à la mode, nous partons sur de la choucroute géante !
La demoiselle avait flashé sur une robe... Mais, le bustier n'était pas assez decolleté et surtout avait de la résille couleur chair entre les seins ce qui lui fait horreur. La taille n'était pas assez marquée, la robe n'était pas suffisamment volumineuse, et la traîne était trop courte. Le design sera donc personnalisée.
Autre contrainte, il y aura de la pole dance au mariage, donc la robe finale devra tenir le choc !
Voici donc le design de départ. Il y aura 3 robes:
- celle pour danser tout en volume et froufrou avec une fente pour pouvoir un peu jouer avec la barre de pole.
- Une pour le repas et les promenades que nous dissocierons de la traîne pour des raisons de praticité.
- Et enfin la grosse choucroute avec la traîne.
Dans la création, il est fréquent que l'idée évolue au fur et à mesure de la fabrication. Passer du dessin au 3D nous réserve souvent quelques surprises !
La robe en essayage est visible juste ici.
Au départ, était entendu de fermer le corset avec des petits élastiques et des boutons recouverts de tissu. Cela s'est avéré complexe pour fermer le corset car nous n'avions pas un ajustement parfait, nous avons donc opté pour le ruban avec des passants sur lesquels nous viendront coudre les boutons pour donner l'illusion que le ruban en fait le tour. Au final, ce design a plus plu à la mariée car cela permettait de faire un V avec le laçage.
Ci contre une petite construction pour faciliter les essayages. En effet, faire des passants et très chronophage !
Le point de départ est le bustier. Il fallait intégrer ce fameux grand décolleté. Ce n'est possible que par l'ajout d'un tout petit ruban entre la poitrine qui limite l'écartement des deux panneaux.
Pour la petite anecdote, nous devions utiliser un resille rigide blanc pour la base du corset. Le rendu final ne plaisait pas à la mariée, elle voulait un corset complet en résille chair, ce qui modifiait totalement le patron. Le résultat en valait la peine. En plus, l'épreuve de la barre de pole est pour le moment validée. Pour le moment, car tout le poids de la robe sera sur le corset...
Pour le support de la robe, nous avons décidé de faire une crinoline des années 1860. En effet, le volume est rejeté vers l'arrière, ce qui est plus harmonieux sur la silhouette de notre mariée. En plus cela dégage l'avant de la robe pour pouvoir marcher. Il ne faut pas oublier que la crinoline sera déjà elle-même par dessus une autre robe. Pour le patron, j'ai pris celui chez Truly Victorian.
La première jupe s'est avérée plus simple que ce que je pensais au départ. J'avais déjà fait une jupe du genre par le passé (ici) mais je pensais que cette simplicité était liée à mon inexpérience. Erreur ! après avoir utilisé plus de 60 mètres de mousseline et ayant obtenu une jupe pesant près de 7 kg alors qu'elle n'était pas finie, j'ai dit stop, on recommence tout à zéro.
Plutôt qu'une jupe cercle (plus lourde) j'ai pris une longueur de 3 mètres sur lesquels j'ai cousu une bande de fronce tous les 3 cm.
Cela donne des volumes impressionnants à passer sous la machine. Sans compter toutes les bordures qui ont été surjetées avec du fil mousse pailleté doré. 150 mètres de mousseline y sont passés, et plus de 20 bobines de fils mousse. Cela représente plus de 10 km de fils quand même...
La suite se compose d'un jupon en tulle rigide pour camoufler la forme des baleines de la crinoline, et de 5 couches de tulle pailleté qui commencent à accompagner la future traîne.
Maintenant nous allons pouvoir coudre les appliqués sur le corset en harmonie avec le corps de la mariée. Nous voulions un effet tatouage de dentelle sur sa peau.
Voici donc la première robe finie...
Le patron de la traîne a été déterminé à partir de feuille de papier assez rigide (celles que j'utilise pour conserver mes patrons définitifs)
Nous voulions que les plis se tiennent et s'évase en une traîne majestueuse.
Quelques modifications seront apportés au patron en question car nous étions limité par la largeur des tissus de la traîne et de la dentelle que nous voulions mettre en transparence sur les plis.
La tenue des tissus à été obtenue grâce à du crin et également un résille rigide blanc transparent. (Celui-là même que je devais utiliser pour le corset)
La découpe et l'ajustement furent sportif car la pièce était immense.
Le tapis sous la traîne fait la longueur d'un canapé 3 places et le double de la largeur de ce dernier. La validation du design nécessitait un peu de contraste. La partie semi transparente est sur la jupe, la partie blanche représente la traîne.
Je vous laisse imaginer le travail pour épingler toutes les dentelles et couches ensemble sans qu'elles ne bougent.
Une fois le design et l'emplacement des différents appliqués validé, ils ont été en parti cousu et collé sur la traîne (nous sommes à J-30, la pression se fait sentir...
Enfin le dernier essayage avec évaluation de la praticité et de la longueur de toutes ces couches.
Il est décidé d'ajouter une crinoline sous la robe de bal (celle avec les froufrous) pour être sûre que les pieds de la mariée soient dégagés et qu'elle puisse facilement remonter toutes les couches. En effet, elle arrivait à la mairie en calèche et passait la cérémonie laïque sur un trône.
La robe en tulle à été raccourcie de 10 cm (encore du travail pour la surjeteuse). Et le tour de taille de la traîne a dû être réduit. Mon mannequin étant plus large que la mariée. J'admets que ce ne fut pas une partie de plaisir car les appliqués étaient déjà en place.
Autre petit écueil que nous a révélé cet essayage, la traîne tournait de façon indépendante du reste. Ayant peur de mettre des agrafes, j'ai préféré les épingles à nourrice entre la ceinture en toile et le résille rigide.
En y réfléchissant, coudre des petits rubans à la taille pour faire office de fermoir à agrafe aurait largement suffit.
Nous dirons que c'est en forgeant qu'on devient forgeron...
Au bilan, cette robe a été réalisée sur 8 mois.
Le coût du matériel revient à 1800 euros environ (ha les paillettes et les perles !). Dans ce cas précis, les fils ont fortement pesé dans la balance. En effet, le fils mousse pailleté est onéreux (entre 8 et 10 euros la bobine).
Compter les heures sur cette robe est assez complexe car il y a eu beaucoup d'essais et erreurs. J'estime le nombre d'heures à environ 600 heures.
Donc avec l'usure machine, les taxes, la robe couterait 19 320 euros. C'était mon cadeau de mariage, donc la mariée a eu une robe haute couture, 3 en une, pour le prix d'une robe du commerce.
Voici quelques images du mariage, je précise que le tissu des baleines est le même que celui du veston de l'autre mariée.
Merci à Max GM pour les photos, et un chapeau à Odin pour la tenue de notre autre mariée.
Pour le plaisir, voici leur première danse, et oui, le corset a tenu sa promesse et n'a rien révélé de la soirée.